Le Fils de l’Homme, Olivier Merle

Éditions de Fallois, Paris, 2015, 495 p., 22 euros

Le parcours du prophète de Nazareth est raconté à travers une minutieuse reconstitution historique, moyennant une dramaturgie habile et un style alerte. Les faits évoqués sont de prime abord assez connus – banalisés par deux millénaires de christianisme –, mais le Jésus et les disciples dépeints dans ce roman peuvent surprendre même des connaisseurs avertis. Et la description de la première communauté chrétienne de Jérusalem – dont les désaccords ont revêtu des enjeux décisifs – est particulièrement instructive.

Accablé par l’iniquité régnante et l’occupation romaine, rêvant de justice et de paix, le petit peuple attendait fiévreusement l’avènement du Royaume de Dieu. Tandis que des activistes prônaient la révolte armée, diverses sectes préconisaient la radicalisation religieuse. Jésus, persuadé de l’imminence de la fin des temps, s’est tenu à l’écart de ces extrêmes et a exhorté ses auditeurs à se convertir pour hâter le jour du salut – par une confiance absolue en la Providence, par une bienveillance universelle et par le service des humbles. Tout en condamnant le ritualisme, il suivait la Loi et fréquentait les synagogues et le Temple. Mais, pour finir, sa critique du système religieux et des élites qui en profitaient lui valut d’être crucifié. L’apocalypse attendue ne s’est pas produite, et la petite communauté qui a survécu à cette tragédie a peiné à trouver sa voie. Se repliant sur l’héritage judaïque, le noyau formé autour de Jacques, le frère de Jésus, a fini par disparaître cependant que les Juifs hellénisés se sont sentis appelés à diffuser l’Évangile parmi les nations.

Somme toute, le Jésus d’Olivier Merle semble refléter d’assez près le Jésus de l’histoire. Pour essayer de le cerner, l’auteur a éclairé son empathie de romancier par une approche scientifique des plus rigoureuses – notamment exégétique. S’il a ignoré certains récits comme la nativité ou la résurrection qui ont ultérieurement servi de fondements à la foi chrétienne, c’est parce que la crédibilité de son roman était à ce prix, en amont des constructions théologiques. On ne s’étonnera pas que cet ouvrage pose, avec un tel choix, plus de questions qu’il n’en résout… Mais le Jésus dépouillé qu’il présente a, de façon inattendue, ouvert les portes du Royaume annoncé. Malgré le dramatique échec du Golgotha et sous le signe de cette épreuve vécue dans la foi, la divine humanité du Nazaréen a dévoilé, pour toujours, un horizon lumineux au-delà des sombres chemins de la Palestine d’alors.

Olivier Merle offrira-t-il à ses lecteurs une suite avec l’apôtre Paul qui, grâce à sa fougue et à sa créativité théologique, a impulsé la fulgurante expansion transculturelle au christianisme ?

Jean-Marie Kohler

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