Lulu femme nue

La longanimité au bord de la plage

C'est peu dire que "Lulu femme nue" aura été pour le moins diversement apprécié par le groupe Pro-Fil de Mulhouse. Entre ceux qui n'ont pas vraiment supporté l'incroyable naiveté de Lucy, celle que l'on peine à appeler "l'héroïne" tant elle est ballotée par les événements et ceux qui ont été touchés par la manière dont elle va reprendre la main sur sa propre existence, le dialogue aura été fécond et riche.

Ce film de Solveig Anspach (voir ici la notice : http://www.pro-fil-online.fr/fiche_de_film_3/Lulu_femme_nue.php) est effectivement l'histoire d'un déclic qui va permettre à une femme dépossédée d'elle-même de se ressaisir. Malgré un scénario au trait grossier, Lucy (Lulu), retrouve en effet le bonheur à travers une forme de naïveté extrèmement positive. La générosité des autres paumés de la vie qu'elle croise: Charles et ses frères, Marthe la merveilleuse vieille dame ou encore Virginie la serveuse exploitée répond à la détresse de Morgane, la fille de Lucy et à la solitude de Cécile sa soeur.
Dans le carcan de son existence de mère au foyer, affligée d'un mari insupportable, dévouée à ses enfants au point de s'oublier elle-même, l'on a d'abord bien du mal à croire au coup de tête qui la fait rester dans cette ville du bout du monde. Et d'ailleurs pourquoi est-elle allée si loin pour chercher un travail trop difficile à rejoindre ? C'est la démarche du cinéma que de nous faire finalement oublier le réalisme pour entrer avec elle dans ces petites rencontres qui, sans qu'elle s'en rende compte, vont changer sa vie.

Le contraste est en effet saisissant entre la femme pathétique des premiers plans (l'entretien d'embauche) et celle qui ordonne à son mari de quitter le plancher; mais aussi entre le premier regard de Morgane sur l'amant de sa mère et la douceur du dernier regard échangé entre eux qui clôt magnifiquement le film.

Le vieux terme biblique de "longanimité" est ainsi remis à l'honneur. Morgane et Cécile pourraient intervenir, briser le rève, se manifester, elles n'en font rien, au contraire elles laissent le temps ouvert pour que Lucy puisse vivre ce qu'elle a à vivre. De même, après son agression, Marthe aurait pu poursuivre son chemin et laisser cette marginale passer son chemin et pourtant elle lui ouvre sa porte et bien plus encore. Même Lucy, à son retour que l'on pourrait prendre pour de la légèreté, décide de laisser une chance à son mari. Tout doit se jouer sans son attitude, il fera le mauvais choix et perdra toute sa superbe.

Entre légèreté et banalité, le film oscille toujours entre esprit libertaire et esprit de responsabilité, comme si, pour mieux assumer ses responsabilités, il était nécessaire d'honorer le rendez-vous le plus important : celui que l'on a avec soi-même.

Lulu femme nue, un film de Solveig Anspach d’après la bande dessinée d’Étienne Davodeau avec Karin Viard (Lulu) – Bouli Lanners (Charles) – Claude Gensac (Marthe)

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